« L’année du hanneton » revient à Fontainebleau ?
Présentation de l’insecte, cycle de vie :
Le hanneton commun (Melolontha melolantha) est un coléoptère bien connu de nos campagnes.
Durant la seconde moitié du XXème siècle, les dégâts causés par cet insecte dans la plupart des cultures en ont fait l’ennemi public numéro un, et l’objet de nombreuses recherches agronomiques et agrochimique pour l’éloigner et/ou l’éradiquer (Hurpin, Vago, 1958).
Très largement répandu en France, les populations de ce gros insecte (25 à 30 mm) ont significativement régressé avec l’utilisation massive du DDT ou du Dieldrine dans les années 60-70, avant leur interdiction (Lequet, 2015). La réduction progressive de l’utilisation massive de ces puissants insecticides semble néanmoins permettre aujourd’hui à l’espèce de reconstituer ses effectifs, et de revenir petit à petit dans les zones qu’elle avait l’habitude de fréquenter, notamment les espaces forestiers.
Le cycle de vie et les habitudes alimentaires de l’espèce expliquent sa notoriété. La larve issue de la ponte du Hanneton commun reste 3 années (dans notre région mais parfois 4 à 5 ans dans le nord de l’Europe) à l’état de gros vers blanchâtre et annelé, autrefois connu de tous. En effet, pendant ce stade larvaire, l’animal peut être très vorace et affectionne particulièrement les racines et radicelles. En avril-mai, la larve remonte à proximité de la surface pour se nourrir, puis replonge chaque année un peu plus profondément à l’approche du froid (jusqu’à 1m la dernière année). C’est la troisième année que la nymphose (dernière transformation larvaire) se produit. L’adulte (ou imago) reste abrité dans la terre jusqu’au printemps de l’année suivante (Horellou, 2015 ; Lequet, 2015).
Ce cycle de vie est synchronisé chez les différentes populations de hanneton en France. C’est pourquoi, lors de certaines années, cycliquement, tous les adultes sortent de terre simultanément pour prendre leur envol : c’est alors « une année à hanneton » (cf. figure 2). Ils se nourrissent alors principalement de différentes feuilles d’arbres, avec une préférence pour les chênes et les arbres fruitiers qu’ils peuvent parfois complètement défolier (Carcassès, 2014).
Pas de panique néanmoins : les hannetons communs sont non seulement totalement inoffensifs pour nous, mais leur impact sur les arbres « attaqués » est relativement faible, dans le sens ou ceux-ci ont souvent la capacité de mettre en place une nouvelle génération de feuilles rapidement. La conséquence visible sera simplement un léger ralentissement de la croissance de l’arbre pour la saison concernée (Nageleisein, 2013)
2019, l’année du hanneton :
Alors, pourquoi l’ANVL parle-t-elle du hanneton commun maintenant ? Eh bien, vous l’aurez deviné, et les randonneurs habitués de la forêt l’auront remarqué, l’année 2019 semble avoir été une nouvelle année du Hanneton à Fontainebleau (même si des évaluations protocolées annuelles permettraient de le certifier). Vous ne pouviez les manquer, en particulier si vous fréquentiez la forêt de fin avril à début mai, à la tombée du jour, heure où le bourdonnement de leurs ailes est presque assourdissant. Si vous êtes des coureurs du soir, vous avez d’ailleurs probablement eu l’occasion de rencontrer « physiquement » quelques individus étourdis qui n’auront pu vous éviter à temps.
Si l’année du hanneton est synchronisée entre les individus d’une même population, il faut néanmoins souligner qu’il existe plusieurs populations distinctes en France, avec des synchronicités qui peuvent être décalées par rapport à celle dont nous parlons ici (cf figure 3).
Nous voyons d’ailleurs sur cette dernière carte que le massif bellifontain se trouve dans une zone « mixte » (du moins, c’était le cas en 1962). Il n’est donc pas impossible que d’autres espaces de Fontainebleau ou autour de celui-ci connaissent des « envols massifs » de hannetons à des périodes différentes.
Nous noterons toutefois que M. Makhloufi, dans un article à propos du massif de Fontainebleau, mentionnait que l’année 2015 était une année à hannetons. Hors, si l’on ajoute 3 années à 2015, on obtient… 2018. Dommage, ça ne colle pas tout à fait. Il n’est donc pas impossible que différentes micro-populations soit présentes à l’échelle du Massif.
De plus, il existe une autre espèce, peut-être même plus commune, très proche du Hanneton commun : il s’agit du Hanneton des bois (Melolontha hippocastani) qui fonctionne selon les mêmes principes de cycles d’abondance. Il est d’affinités plus forestières. On le distingue grâce à ses extrémités abdominales (resserrement terminal). Difficile donc de savoir lequel des deux vole en abondance !
Toujours est-il que le retour de ces insectes est une bonne nouvelle pour nombre d’autres espèces dont il est une proie de choix. : oiseaux insectivores (merles, grives, ou même faucon hobereau, quasi menacé en Île-de-France, qui affectionne particulièrement ces gros scarabées (Carcassès, 2014)), ou bien petits mammifères comme le hérisson.
Enfin, si les larves de hannetons sévissent dans votre jardin et que vous tenez à les empêcher de faire quelques dégâts dans vos plantes assurez un équilibre biologique satisfaisant dans les cultures en privilégiant les espèces auxiliaires qui sont vos meilleurs alliés contre les vers blancs.
En associant un travail manuel (le binage) régulier, les larves déloger deviennent un repas gargantuesque pour les oiseaux. De même, conserver une hauteur de pelouse supérieure à 8/10 centimètres, qui gênera la ponte des femelles, et est de toutes les manières très bénéfique pour la biodiversité.
Bibliographie :
CARCASSÈS, Gilles, 2014. Nature en ville à Cergy-Pontoise, L’année des hannetons. In : Nature en ville à Cergy-Pontoise [en ligne]. 8 juin 2014. [Consulté le 23 avril 2019]. Disponible à l’adresse : https://natureenvilleacergypontoise.wordpress.com/2014/06/08/lannee-des-hannetons/
HORELLOU, A., 2015. Melolontha melolontha (Linnaeus, 1758) – Hanneton commun (le). In : Inventaire National du Patrimoine Naturel [en ligne]. [Consulté le 23 avril 2019]. Disponible à l’adresse : https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/10877
HURPIN, B., 1962. Entomologie appliquée à l’agriculture. Tome I, Coléoptères. Premier volume, Caraboidea, Staphylinoidea, Hydrophiloidea, Scarabaeoidea, Dascilloidea, Cantharoidea, Bostrychoidea, Cucujoidea, Phytophugoidea (Cerambycidae et Bruchidae) : traité. Paris, France : Masson et Cie
HURPIN, B. et VAGO, C., 1958. Les maladies du Hanneton Commun (Melolontha Melolontha L.): Col. Scarabaeidae. In : Entomophaga. Vol. 3, n° 4, p. 285‑330. DOI 10.1007/BF02372236.
LEQUET, André, 2015. Hanneton commun (Melolontha melolontha), biologie, morphologie, développement [en ligne]. [Consulté le 23 avril 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.insectes-net.fr/melolontha/melolontha2.htm
MAKHLOUFI, Djamal, 2015. Hanneton commun | Cycle biologique de l’insecte | Photos. In : Forêt de Fontainebleau – Faune | Flore | Insectes [en ligne]. [Consulté le 23 avril 2019]. Disponible à l’adresse : https://www.fontainebleau-blog.com/insectes/l-annee-du-hanneton-commun/
NAGELEISEIN, L.M, 2013. Note technique : Les hannetons en forêt [en ligne]. Département de la santé des forêts, Centre Inra de Nancy- Lorraine. [Consulté le 23 avril 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.forestiersdalsace.fr/UserFiles/File/PDF/Exemples/hanneton_DSF_2013.pdf.
A. Gallois