Espèces végétales invasives
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Introduction
Les espèces exotiques envahissantes sont une des principales menaces de la biodiversité avec la fragmentation des habitats, la pollution, le réchauffement climatique. Elles peuvent être végétales, animales, et même fongiques. Pour être considérée comme invasive, une espèce doit avoir une succession d’états :
- Introduction naturelle, accidentelle ou volontaire de façon anecdotique ;
- Reproduction formant une population viable et durable, naturalisée;
- Développement et extension de l’aire de répartition de façon importante.
Le caractère invasif d’une espèce n’est pas dissocié de l’impact environnemental qu’elle peut avoir. De plus, il faudrait parler de populations invasives plutôt que d’espèces invasives car celles-ci se distinguent de leurs populations d’origine.
Dans cet article ne sera présenté que le cas d’espèces végétales.
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Origines
On en distingue deux types :
Archéophytes :
- Introductions antérieures au XVe siècle ;
- Généralement non intentionnelles excepté pour les espèces cultivées (herbacées et arbres) :
- Phase 1 (néolithique et énéolithique) : essentiellement des espèces accompagnant les migrations humaine et compagnes de culture (messicoles) ;
- Phase 2 (bronza au moyen-âge) : les autres milieux comme les rives, les sous-bois, commencent à subir des transformations dues aux activités humaines comme la déforestation, les conquêtes de nouvelles terres. Ces milieux sont alors envahis par des cortèges de plantes nitrophiles et deviennent des zones rudérales.
Néophytes :
- Introductions postérieures au XVe siècle ;
- Augmentation considérable du taux des introductions volontaires ;
- Phase 1 (découverte de l’Amérique) : explosion d’introductions d’un grand nombre d’espèces ramenées des nombreux voyages et des nouvelles terres découvertes à des fins scientifiques, ornementales, agroalimentaires, accompagnées d’un cortège d’espèces introduites non intentionnellement ;
- Phases 2 (début du 20e siècle) : intensification des échanges et des moyens de transport entraînant une augmentation exponentielle des introductions volontaires et non intentionnelles, apparition des premiers habitats dominés par des espèces exotiques envahissantes.
Ainsi la principale voie d’introduction d’espèces végétales exotiques est liée au commerce et aux transports (en particulier par voie terrestres et maritime).
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Pourquoi peuvent-elles être envahissantes ?
Cependant, toutes les espèces exotiques ne sont pas toutes devenues invasives dans leurs nouvelles aires de répartitions :
- Parmi l’ensemble des espèces présentes en France, 10% ont été introduites ;
- Parmi elles, 10% ont été naturalisées ;
- Parmi elles, 10% sont invasives, soit 0,1% au total (MEERTS et al., 2004).
- Parmi elles, 10% ont été naturalisées ;
Dans le cas des espèces importées pour des raisons ornementales, il y a eu présélection du critère de résistance et de reproduction. Ces espèces sont donc extrêmement compétitives : on obtient 20% d’invasives au lieu de 10%.
Certaines espèces ont une propension à devenir envahissantes à cause de leurs caractéristiques biologiques (croissance, reproduction). De plus, une espèce sera d’autant plus envahissante qu’elle rencontrera peu de compétition pour les ressources, ce qui est souvent lié à des perturbations (intempéries, travaux, …).
Une plante est également moins sujette à l’attaque d’ennemis naturels en dehors de son aire d’origine qu’au sein de celle-ci. En effet, une longue histoire évolutive a permis à des herbivores et des agents pathogènes de s’adapter aux plantes dans une même région (coévolution). En dehors de cette région, une plante ne rencontre plus d’herbivore ni d’agents pathogènes aussi bien adaptés, elle peut donc connaître une expansion importante.
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Les impacts
Certaines espèces ont des impacts sanitaires comme par exemple les pollens allergisants (par exemple l’Ambroisie à feuille d’Armoise).
Les impacts économiques peuvent être également très importants, c’est la principale raison pour laquelle les recherches sur les populations invasives sont financées (Renouée du Japon).
Certaines plantes entraînent des modifications des communautés végétales à cause de l’apport d’ombre, l’apport d’acide (Laurier cerise).
D’autres encore entraînent une érosion du sol (enracinement superficiel), une modification de la structure de la végétation (disparition du sous-bois), et menacent de nombreuses espèces endémiques en formant des stations denses mono-spécifiques.
Il s’effectue alors une homogénéisation globale à cause des invasions biologiques, des extensions des aires de répartition et un remplacement des plantes dites « spécialistes » par des « généralistes« .
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Exemples
L’Ailante faux vernis du Japon (Ailanthus altissima), a été introduite dès 1751 en tant qu’arbre ornemental et aussi comme plante-hôte pour le Bombyx de l’ailante (Samia cynthia), un papillon de nuit utilisé pour la production de soie.
C’est un arbre formant de grande quantité de drageons, à feuilles très odorantes, et qui produit des fruits ailés en très grand nombre.
Cette espèce est présente sur quasiment toute la France. Elle est dite allélopathique car elle produit une gamme de composés secondaires chimique et phytotoxiques : c’est un moyen de compétition permettant à une espèce de proliférer en inhibant la croissance d’autres espèces végétales. La sève et le pollen de cette espèce sont responsables de réactions allergiques chez l’homme comme des dermites et de l’asthme allergène.
L’ailante est bien présente dans notre région. Elle est très fréquente au sein de zones rudérales, de secteurs fortement perturbés, notamment le long des voies de transport (chemin de fer) qui sont des vecteurs de dispersion privilégiés par les espèces invasives. Elle envahit également des zones de culture d’arbres et progresse régulièrement en menaçant des réserves naturelles à Fontainebleau (MOTARD et al., 2009).
Il semble que ses capacités allélopathiques et sa reproduction empêchent la régénération des arbres natifs de la forêt. L’Ailante est associée à une communauté distincte moins riche en espèces que celles qui sont associées aux autres espèces d’arbres à feuilles caduques de la forêt de Fontainebleau.
La Renouée du Japon (Reynoutria japonica), a été introduite durant la première guerre mondiale.
Cette plante produit beaucoup de fruits qui sont cependant généralement stériles, et développe énormément de rhizomes (tige souterraines), lui conférant une très grande capacité de dispersion. C’est également une plante allélopathique dont le large feuillage empêche la mise en place de plantes de sous-bois ainsi que des plantes avoisinantes.
Plutôt présente en milieux humides, près des cours d’eau, mais ne supportant pas l’inondation, elle peut également s’installer sur des talus, des zones remaniées ou encore le long des voies ferrées. Son appareil racinaire ne stabilise pas le sol et favorise souvent l’érosion des berges. Cette plante est très difficile à retirer d’un milieu à cause de la durée de vie de ses rhizomes et drageons (environ 10 ans). Une fauche, un brûlis, sont par conséquents peu efficaces et peuvent parfois favoriser la dispersion de cette espèce invasive.
La Renouée du Japon est largement répartie sur toute la région Île-de-France, où elle est considérée comme commune. On remarque toutefois une densification des populations lorsque l’on se rapproche de Paris par le fait des nombreux déplacements de terre, remblais, liés notamment aux travaux de voiries. Les populations restent relativement stables dans la région de Fontainebleau mais une extrême vigilance est nécessaire.
La Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera), introduite en tant que plante ornementale avant 1850, peut dépasser 2 mètres et possède de belles fleurs roses à son sommet, qui se transforment en capsules explosives, propulsant de nombreuses graines à plusieurs mètres de la plante mère.
Elle se répand principalement le long des cours d’eau, sur les talus et pentes. Elle affectionne les lisières ou les zones ombragées sur sols frais. Outre le fait qu’elle exerce une forte compétition vis-à-vis des espèces indigènes en place, qu’elle étouffe, cette balsamine déstabilise les berges et les talus, et peut envahir un cours d’eau et gêner son écoulement.
La Balsamine de l’Himalaya possède une dynamique qui a progressé ces dernières années sur les quelques foyers en Île-de-France, notamment dans la vallée du Lunain et au sein du périmètre sourcier d’Eau de Paris à Villeron. L’ANVL avec Eau de Paris, la Fédération de pêche de Seine-et-Marne, l’Association ASABEPI, l’association rando Seine et Loing organisent depuis 2016 un éco-chantier afin d’éradiquer ce foyer de dispersion. L’opération consiste à réaliser un arrachage manuel avant la fructification de la plante complété par une fauche pour les surfaces non traitées par les bénévoles.
Le Pin sylvestre (Pinus sylvestris), est une espèce originellement introduite en France en 1786 pour le boisement des zones ouvertes et la sylviculture. La présence de cette espèce entraîne une acidification du sol à partir de l’accumulation d’aiguilles et de ses cônes. De par sa croissance rapide, la quantité de graines et l’ombrage permanent produits, c’est une espèce extrêmement compétitrice.
Le Pin sylvestre a profondément modifié le visage du massif de Fontainebleau, transformant les landes et autres zones ouvertes comme les mares de platières, et diminuant la richesse du sous-bois aussi bien chez les végétaux que chez les animaux. Aujourd’hui, les populations de Pins tendent même à envahir les réserves biologiques intégrales.
Cette situation alarmante, dénoncée depuis de nombreuses années par l’ANVL, est d’autant plus complexe à gérer que l’image renvoyée par les pinèdes aux visiteurs du massif forestier est plutôt positive. Une mobilisation accrue des acteurs du territoire intervenant sur la forêt et investis dans la préservation de son patrimoine naturel est indispensable afin de sensibiliser sur la menace pesant sur la biodiversité du massif de Fontainebleau et de ces landes.
Par ailleurs, des actions plus soutenues doivent être envisagées afin de contrer cette dynamique d’enrésinement : limiter leur plantation, restaurer des landes, prélever et réguler les pins en régénération spontanée (dans les landes, les chaos rocheux, etc.).
Plusieurs initiatives ont été entreprises en ce sens par l’ANVL (chantier écovolontaire), mais également par l’ONF (débardage de ligneux) ces dernières années.
Le travail doit se poursuivre et s’intensifier…
Rédigé par Sarah POTIER-GIQUEL
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Références
- https://inpn.mnhn.fr/programme/especes-exotiques-envahissantes
- Jauzein P., Nawrot O. 2013. Flore d’Île-de-France : Clés de détermination, taxonomie, statuts. Quae éditions, p 81
- https://www.infoflora.ch/fr/flore/neophytes/
- SEPANSO, 2003. Les invasions d’espèces – SudOuest nature Revue Trimestrielle de la SEPANSO n°120-121, p 5-6
- http://www.codeplantesenvahissantes.fr/contexte/les-enjeux/
- MEERTS P., DASSONVILLE N., VANDERHOEVEN S. CHAPUIS-LARDY L., KOUTIKA L. S., JACQUEMART A. L., 2004. Les plantes exotiques envahissantes et leurs impacts. In « La biodiversité : état, enjeux et perspectives ». De Boek Université, Bruxelles. p 109-121
- Motard, E., 2009. Etude de l’Ailante (Ailanthus altissima (Mill.) Swingle) comme exemple de plante invasive: risques pour la biodiversité de la forêt de Fontainebleau (Doctoral dissertation, Paris, Muséum national d’histoire naturelle).
- ARNAL G., FILOCHE S., LOMBARD A., 2003. Etude de l’Orme lisse, du Chêne chevelu et de la Renouée du Japon en forêt régionales de Ferrières (Seine-et-Marne).
- LOISEAU J., 1970. Le Massif de Fontainebleau: Melun, Moret, Nemours, Malesherbes, Château-Landon, Montereau, 1. Vigot frères, Paris.
- BRUNEAU DE MIRE P., 2013. Fontainebleau terre de rencontre, le point de vue d’un naturaliste. JF Impression, Montpellier.