Derniers retours de la COP16 biodiversité
La COP16 s’est terminée avec le report de l’adoption de plusieurs décisions importantes portant sur le cadre de suivi et d’évaluation du cadre mondial de la biodiversité, ainsi que sur la stratégie sur les ressources financières pour générer 200 milliards de dollars d’ici à 2030 (cible 19) pour la biodiversité.
Les délégués des pays ont pris beaucoup de temps à négocier les différents sujets à l’ordre du jour durant ces deux semaines de la COP16, et la dernière séance plénière qui a duré toute la nuit du 1er au 2 novembre n’aura pas été suffisante pour lever les oppositions. Le quorum des pays représentés n’était plus atteint pour prendre les décisions et l’esprit de consensus et la dynamique collective présents à la COP15 pour l’adoption du cadre mondial n’étaient plus vraiment présents.
Pour les ressources financières, de nombreux pays du Sud défendaient la création d’un nouveau fonds international pour la biodiversité, critiquant le fonctionnement et l’accès au Fonds pour l’environnement mondial, pour mobiliser les financements attendus. Plusieurs pays du Nord, dont la France, étaient eux défavorables à la création d’un nouveau fonds, considérant qu’il en existe déjà, que sa création prendrait du temps et qu’il faudrait assurer les coûts de son fonctionnement.
En dépit de ce blocage, le fonds du cadre mondial pour la biodiversité (Global Biodiversity Framework Fund – GBFF), créé à la COP15 pour appuyer les stratégies nationales pour la biodiversité dans les pays du Sud, a été abondé. La France a annoncé durant la COP une contribution de 5 millions d’euros et, avec le soutien financier également annoncé de la part de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et du Québec, le nouvel engagement financier totalise 163 millions de dollars et porte le montant total du Fonds à 396 millions de dollars. Il avait en effet reçu des contributions initiales du Canada, Japon, Luxembourg et de l’Espagne pour un montant de 245 millions d’euros.
La France et plusieurs pays du Nord défendaient également un cadre de suivi rigoureux des engagements des Etats permettant de connaître l’état d’avancement des cibles du cadre mondial et de rehausser l’ambition si la réalisation des objectifs 2030 n’étaient pas en bonne voie. Faute de temps, il n’a pas été adopté, ainsi que les modalités de l’évaluation mondiale qui doit être réalisée en 2026 pour juger des efforts réalisés par les Etats dans l’atteinte des différentes cibles du cadre mondial.
Malgré ce constat de déception et d’inachevé qui marque la fin de la COP16, des décisions importantes ont été prises, dont les plus importantes sont les suivantes :
- Des objectifs par pays :
Au dernier décompte, 44 Etats avaient soumis leur stratégie nationale et 119 pays des objectifs nationaux alignés sur les objectifs internationaux (dont 41 Etats en Afrique), ce qui dépasse les attentes prévues quelques semaines avant la COP.
- Peuples autochtones :
La COP16 a adopté la création d’un organe subsidiaire pour les peuples autochtones et les communautés locales, leur donnant ainsi une reconnaissance officielle et permanente au sein de la Convention sur la Diversité Biologique.
Cette décision a été saluée et célébrée en séance avec leurs représentants présents sur place, mettant en valeur l’importance du rôle des peuples autochtones pour la préservation de la biodiversité. Cet organe subsidiaire fournira des avis sur l’élaboration et la mise en œuvre de mesures pour « respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des peuples autochtones et communautés locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique ».
Une autre décision prise demande aux Etats de faciliter la participation pleine et effective des personnes d’ascendance africaine, qui a aussi été célébrée. Enfin, un plan d’action a été adopté pour les peuples autochtones et communautés locales, avec 8 éléments structurants et plus de 20 objectifs que les pays doivent atteindre d’ici 2030. Durant cette dernière semaine de la COP, des manifestations de représentants des peuples autochtones ont eu lieu, notamment pour dénoncer les assassinats à leur encontre dans leurs actions de protection de l’environnement de leurs territoires.
- Zones marines d’importance écologique et biologique :
La COP16 a adopté les modalités permettant l’actualisation et l’identification des zones marines d’importance écologique et biologique (ZIEB / EBSA en anglais). Jusqu’à présent plus de 300 zones avaient été identifiées en réponse aux critères, mais le processus révisé pour en ajouter de nouvelles et apporter des modifications était en attente depuis la COP13 en 2016.
Cette décision est importante pour créer des aires marines protégées sur des zones à enjeux pour la biodiversité marine, à la fois dans les eaux nationales et les eaux internationales. Et spécialement dans le cadre de la prochaine entrée en vigueur du Traité international sur la haute mer (BBNJ) qui vise à créer un réseau d’aires marines protégées dans ce vaste espace qui représente 60% de l’océan mondial, mais où seul 1,45% de sa superficie est actuellement protégé selon le dernier rapport Protected Planet de l’UICN et du PNUE.
- Partage équitable des ressources génétiques :
La COP16 a approuvé la création d’un nouveau fonds mondial, le « Fonds Cali », qui pourra être alimenté par des contributions financières d’entreprises utilisant les informations numériques sur les ressources génétiques (DSI), principalement dans les domaines pharmaceutiques et cosmétiques. Les entreprises utilisant les DSI pourront verser 0,1% de leur revenus ou 1% de leurs bénéfices à ce fonds placé sous l’égide de l’ONU. Les financements reçus seront répartis pour moitié pour les pays et pour moitié pour les peuples autochtones et communautés locales ayant préservé ces ressources naturelles. Cette contribution des entreprises est cependant volontaire, comme la France et d’autres pays du Nord le souhaitaient, et ne permet donc pas de savoir quels montants financiers pourront être générés.
- Une prochaine COP dans la région Europe :
Pour l’accueil de la prochaine COP17 en 2026, à l’issue d’un vote à bulletin secret (organisé pour la première fois car la décision de l’accueil de la prochaine COP se fait habituellement par consensus), c’est l’Arménie qui remporté la majorité des voix (65) face à la candidature de l’Azerbaïdjan (58).
- Derniers retours portant sur les Side events :
- Finance and Biodiversity Day :
La journée du 28 octobre à mobilisé un groupe représentatif au niveau mondial de participants du secteur financier (public et privé) pour soutenir la réalisation de l’objectif D du GBF et des cibles associées (14, 15, 18 et 19) en accord avec les priorités du NBSAP des pays.
Les intervenants ont souligné qu’un engagement actif du secteur financier dans la mise en œuvre du GBF était nécessaire et qu’il est finalement une source d’opportunités.
Un panel a abordé la question des leviers fiscaux et non fiscaux, l’intégration des facteurs positifs pour la nature et la mobilisation de ressources positives pour la nature par le biais d’entreprises publiques, de banques nationales de développement et de fonds souverains.
Les secteurs financiers, publics et privés doivent ainsi collaborer ensemble pour atteindre des résultats positifs pour la nature. L’outil de crédit ou certificat, pour la biodiversité, a accaparé un certain nombre de discussions, tables-rondes et side event. Le Comité français de l’UICN avait d’ailleurs saisi cette journée, pour publier sa note de positionnement sur les certificats biodiversité.
Implementación de la Convención Biodiversidad y los indicadores jurídicos : mise en œuvre de la Convention sur la Diversité Biologique avec les indicateurs juridiques
Un side event organisé par le Centre international de droit comparé de l’environnement (CIDCE) avec l’Inter American Institute on Justice and sustainabiliy s’est déroulé le 29 octobre en zone verte.
Des juristes de France et d’Amérique du Sud (Colombie, Brésil) ont mis en avant la nécessité de mesurer par des indicateurs juridiques l’effectivité du droit international de l’environnement et notamment de la Convention sur la Diversité Biologique. Si les droits de la nature, le rôle des juridictions, les systèmes de participation et de médiation, contribuent à améliorer le droit de l’environnement, la mesure de l’effectivité est essentielle car elle permet de connaître le degré d’application effective du droit décidé par les Etats.
La délégation du Comité français, composée de Sébastien Moncorps, Florence Clap, Nicolas Salaün et Magali Pausin, a poursuivi sa participation à la COP16 pour cette deuxième semaine.
Si vous souhaitez des éléments complémentaires, notamment sur les side events, nous vous invitons à joindre une des personnes de la délégation du Comité français ou nos membres et partenaires très présents, en particulier : l’OFB, le WWF, OREE, EpE, la FRB, le Centre international de droit comparé de l’environnement, l’ADFPZ, RNF, les Eco Maires, et les villes de Marseille et de Paris.
Article de : Sébastien Moncorps, directeur du Comité français de l’UICN & Maud Lelièvre, présidente, avec Florence Clap, Nicolas Salaün, Magali Pausin et Manon Bourhis